Confinement et enfermement
L’injonction de ce confinement « être chez soi », peut-il conduire à être soi ?
Pour avoir conscience de soi, encore faut-il s’être reconnu dans un espace réel qui nous a fait jaillir dans nos limites et notre différence. La puissance d’un paysage, la rencontre décisive avec une personne peuvent nous marquer profondément. La conscience de notre intériorité ne surgit-elle pas lorsqu’elle se confronte à cette différence ? Ou à cette absence lorsque l'on parle d'enfermement ?
Commençons notre périple par la définition de l'enferment.
L'enfermement carcéral avec l'histoire des prisons. Un lieu d'enfermement décrit dans les articles d'Albert Londres. Un lieu ambivalent, dans ce documentaire interactif de l'abbaye-prison Clairveaux et le témoignage d'un détenu y ayant séjourné.
L'enfermement psychiatrique, qui permettait au XVIII siècle de se débarrasser d'un parent atypique sur simple présentation d'une lettre de cachet. Un lieu d'enfermement institutionnel selon le journaliste Albert Londres. Un lieu paisible sur cette lithographie qui représente le premier asile privé des États-Unis. Un lieu ouvert, comme alternative à l'enfermement avec cette curieuse expérience menée en 1892 à Dun-sur-Auron.
Enfin, découvrons, pèle-mèle, les expressions artistiques ou littéraires qui ont jailli de cet enfermement. Les romans de Virginia Woolf, femme de lettres anglaise et bipolaire, dont la déchirante lettre d'adieu est une forme de confession. La prose de Nazim Hikmet, poète turc, incarcéré puis longtemps exilé. Les cahiers de prison d'Antonio Gramsci, journaliste et penseur italien. Les écrits d' Alexandre Soljenitsyne, dissident russe. Les pensées de Nelson Mandela, prisonnier, leader et président de l'Afrique du Sud. Le récit de Soha Bechara, ancienne militante libanaise incarcérée pendant dix ans. Les toiles de Gérard Garouste, peintre bipolaire. Enfin, très recemment le témoignage lumineux d'Ahmet Altan, intellectuel turque emprisonné
Cette évasion au pays de l'enfermement, questionne sur notre rapport au monde. Le confinement nous donne la possibilité de ressentir le manque de nous à travers cet autre qu'il incarne. Et si ce manque de nous, nous permettait d’aller à notre rencontre d’une autre façon ? En ne célébrant pas notre intériorité enfin débarrassée de tout le reste, mais en ressentant que l'on se manque, nous, dans notre interaction avec le monde ?
Je vous laisse y réfléchir...