Sans alcool de Claire Touzard
Le récit d’un combat contre une drogue en vente libre. Comment déclarer la guerre à l’alcool lorsqu’on vit au sacro-saint pays du pinard ?
C’est en tout cas ce que tente de faire l’autrice dans son premier roman. Claire Touzard a 37 ans, elle est journaliste et grand reporter, elle avoue et sans doute s’avoue son alcoolisme. Sa rencontre avec Alex, l’amour de sa vie, va lui permettre de pointer du doigt son addiction. Un 31 décembre, sa décision est prise, elle décide d’arrêter l’alcool, de peur de le perdre.Elle nous conte ses premiers jours d’abstinence en retraçant son parcours et en analysant toute la symbolique que notre société française cache derrière le grand vin patrimonial ! Comment s’affranchir de ce dogme lorsque toute une éducation repose sur la consommation d’alcool ?
Elle met en exergue le fait qu’elle s’est construite dans la consommation d’alcool. La première preuve est la réaction totalement incrédule de sa famille face à son choix ! Elle devient réac’ Claire ! avec tout le côté péjoratif et condescendant que cela suppose. Elle va même jusqu’à interroger la notion d’atavisme. Grand reporter, elle couvre des événement et tisse des liens partout dans le monde, elle explique que sa consommation d’alcool sert de terreau à la construction de son tissu de relations. Elle met, par ailleurs, en évidence l’hypocrisie de l’alcool mondain. Comme si consommer des grands crus entre CSP+ était moins délétère que du blanc limé au PMU du coin. Quelle mascarade ! La société française semble sans cesse trouver des excuses à ses consommateurs effrénés. Les tragiques événement de 2015 n’ont fait que renforcer cette idée ; la riposte aux terroristes a été la fête, l’alcool ! l’excès ! Et lorsque certains osent s’interroger sur cette consommation à la française, les lobbies s’en mêlent et tuent dans l’œuf toute tentative de remise en question.
Claire Touzard analyse également le rapport que les femmes d’aujourd’hui entretiennent avec l’alcool. Il y a une question de statut social en jeu : « la fille qui boit trop est devenue une marque culturelle, un statut social ». Les femmes souhaitent sans doute à notre époque prendre la place de ceux qui font du bruit, de ceux qui boivent ! Elles souhaitent enfin être sur le devant de la scène, l’alcool est ici facilitant. La sentence de l’autrice est claire et sans appel : l’alcool n’est pas subversif, c’est une pratique normative. Rien n’est jamais né de grand avec l’alcool, il n’attise pas la créativité, il n’aide pas à mieux penser le monde. Il n’est que l’anesthésiant de nos vies trop étriquées. Sans doute…
Elle livre cependant dans son roman un parcours semé de multiples excès en tout genre. L’alcool n’en est qu’une composante. Je rejoins l’autrice dans son analyse sur le côté anesthésiant mais la vie serait-elle vraiment supportable sans une once d’évasion, toute artificielle soit-elle ? L’invitation à la modération n’est-elle pas moins radicale ? Chacun trouvera certainement un début de réponse dans les lignes de Claire Touzard…